Politique

Le Capitaine Ibrahim TRAORE, pris au piège des « Pro-Russes »

Le coup d’État du 24 janvier dernier a été, pour beaucoup de civils, un espoir de voir un Assimi Goïta à la tête du pays. L’on pouvait voir dans les rues de Ouagadougou et à la place de la Révolution des images du Lieutenant-colonel Damiba avec celle de Goïta brandies par les manifestants. Cette foule qui manifestait son soutien au Lieutenant-colonel Damiba s’attendait, s’en doute, à ce que les liens de coopération entre la France et le Burkina Faso soient brisés en faveur d’une autre puissance notamment la Russie. 8 mois après, un autre coup d’Etat intervient et avec le même soutien populaire avec des drapeaux russes. Pourquoi cette présence des drapeaux russes de plus en plus dans les manifestations au Burkina Faso ? le Capitaine IB est-il pris au piège des pro-russes ?

Dès sa prise du pouvoir, le Lieutenant-colonel Damiba avait donné l’espoir d’un révolutionnaire à travers son premier discours qu’il a terminé par un slogan révolutionnaire « La Patrie ou la Mort, Nous Vaincrons ». Cela a créé de la sympathie pour lui au sein des anciens « camarades » du président Thomas Sankara qui ont vu en lui cet autre Sankara issu de ces milliers de Sankara. Cependant, les « révolutionnaires » sont vite sortis de leurs illusions. Très vite, la question de la coopération militaire a fait surface avec la pression de certaines organisations de la société civile « pro russes ». Ces derniers, se référant au Mali qui, pour beaucoup d’Africains, est une fierté parce qu’ayant tenu tête à l’ancienne puissance coloniale, la France, s’attendait à la même réaction de la part du nouveau pouvoir. Mais, lors d’un compte rendu du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, M. Lionel Bilgo a laissé entendre que « le Burkina Faso n’est pas le Mali », par conséquent on ne saurait tourner le dos à la France qui contribue déjà à enrégistrer des victoires sur le terrain. La « victoire » de Bourzanga pompeusement médiatisée aussi bien par le Gouvernement burkinabè que par la République Française a réconforté le gouvernement dans sa décision de rester dans le giron français. Dans le même temps, sans répondre à la main tendue de Wagner, le Lt-col Damiba décerne des médailles à des agents d’une mission militaire russe en fin de mission au Burkina Faso pour témoigner sa reconnaissance à la Fédération de la Russie pour tout son accompagnement durant tant d’années de coopération. Cette tentative d’équilibre ne pouvait trop durer car les pro-russes occupaient de plus en plus l’espace public. Cette tentative des autorités Burkinabè de jouer aux équilibristes ne date pas d’aujourd’hui. En effet, en 2017, dans sa lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso a commandé à la Russie deux avions Mi-171. Pourquoi le gouvernement Kaboré a-t-il fait le choix de la Russie alors que la France est présente dans le pays à travers des bases militaires ? Dès cette période, la présence russe se remarquait de plus en plus dans les sphères politiques. En effet, le 12 février 2021, le Vice-ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Mikhail Leonidovich Bogdanov a été reçu par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré et par le Ministre des Affaires étrangères Alpha Barry. Face aux différentes défaites enregistrées par l’armée burkinabè soutenue par les forces françaises de Barkhane, la Russie apparait comme une alternative. Comme l’âne de Buridan, le gouvernement Kaboré a été incapable de prendre une décision et l’assumer avec courage. Cependant, il est important de rappeler que la coopération entre le Burkina Faso et la Russie ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte à une cinquante d’année et a été au beau fixe sous la présidence du Président Thomas SANKARA. La Russie est donc un partenaire privilégié, au même titre que les autres, sur lequel le Burkina Faso peut compter. Quel que soit le choix du Capitaine Ibrahim TRAORE, l’adhésion du peuple dépendra des résultats engrangés sur le terrain. Mais, avec ce qui se passe au Mali, cela a une influence sur les opinions au Burkina Faso. En effet, les insuffisances de résultats ont amené la Mali à faire appel à la Russie pour mettre fin aux différentes attaques répétées. L’arrivée au pouvoir de Assimi Goïta a été préparée par les organisations de la société civile qui avait déjà des accointances avec les russes. L’incapacité des forces françaises aidant, le pouvoir malien a dû faire le choix de la Russie en mettant la France dehors. Le Mali a-t-il fait la bonne option ? il serait hasardeux de répondre à cette question de sitôt. Néanmoins on peut constater que l’armée malienne s’équipe facilement en matériels militaires sans de longues procédures. Cette fierté que le Mali dégage, tant sur le continent que dans la diaspora, a fini par convaincre bon nombre de Burkinabè que la Russie est le partenaire idéal pour vaincre le terrorisme au Sahel. Il est important de rappeler que les attaques terroristes n’ont pas cessé au Mali malgré la présence russe et les équipements reçus, même si, il faut le reconnaitre, l’autorité de l’Etat et l’image des FAMA sont entrain d’être restauré. Toujours est-il que le Capitaine IB doit trouver son chemin et indiquer la marche à suivre par les 20 millions de Burkinabè qui ont les yeux braqués sur lui. La situation actuelle est une braise qui n’épargne que celui qui aura les bonnes stratégies pour l’éteindre. Il a s’en doute le soutien populaire depuis le 30 septembre mais ce soutien n’est qu’une poudre aux yeux car chaque composante de cette immense foule se bat pour « sa chose ». Certainement qu’une fois les intérêts menacés, ces groupes vont lui tourner le dos en lui imputant tout ce qui adviendrait comme chaos. Comme le dit si bien Jean-Bertrand Pontalis, « Une foule n’est pas une somme d’individus, elle est un ensemble anonyme qui se prévaut de cette anonymat pour revendiquer son irresponsabilité ». Cette foule pro russe, ne donne aucune garantie de connaitre la Russie et de consentir aux sacrifices nécessaires pour la libération du Pays. Elle excelle de plus en plus dans l’irresponsabilité et dans la manipulation dangereuse. La foule a le droit d’être irresponsable mais le Capitaine IB lui, non, même s’il est humain car les défis sont nombreux et l’espoir est grand. Peu importe le choix de coopération qu’il fera, ce sont les résultats sur le terrain qui le mettront à l’abris. Qu’il soit pro russe ou pro français et même pro Burkinabè, il y aura certainement des mécontents. Mais ce qui doit le guider son patriotisme, son honnêteté. Comme Sankara, il se trouve sur une pente raide et il n’a d’autre choix que de pédaler au risque de tomber dans les précipices.